Les nuages noirs s’amoncellent dans le paysage viticole bordelais
A s’intéresser au monde viticole et plus particulièrement au bordelais, les sujets d’inquiétude sont nombreux tant au niveau international qu‘hexagonal.
Commençons par l’international: Les chiffres des ventes exports se sont pas bons avec notamment des baisses importantes sur des marchés cruciaux comme la chine.Même si les USA et les pays européens continuent à faire bonne figure, la concurrence est forte et quelques bastions sont menacés comme le Royaume Uni avec des incertitudes importantes liées au Brexit. Mais au delà, la situation internationale est extrêmement incertaine à ce jour. La guerre commerciale entre chinois et américains crée un environnement défavorable aux affaires d’un point de vue général, et les comportements erratiques de Trump renforcent cet aspect. Dernier en date, sa volonté de modifier les droits d’importation sur les vins européens et plus particulièrement français. Il est vrai que ces droits appliqués sur les vins américains en Europe sont plus importants que ceux imposés sur le territoire de trump. On va sans doute assister à un réajustement dans les mois qui viennent. Cela ne va pas arranger les affaires des producteurs français et renforcer un coté anxiogène sur le marché des vins. Il est à craindre que cette hausse de quelques cents des droits américains impactera les « petits bordeaux » déjà dans l’œil du cyclone. Les grands crus ne seront pas touchés mais la dichotomie entre ces derniers et le reste de la production girondine sera plus prégnante. Au niveau de la planète, on constate un ralentissement des échanges commerciaux mondiaux qui traduit un repli des pays dans le fait de commercer entre eux. On est donc bien dans une situation de décroissance internationale plutôt que d’expansion. Le risque est aussi le développement d’un nationalisme consumériste dont les vins de Bordeaux seraient touchés au premier chef. Je rappelle juste que plus de la moitié du chiffres d’affaires des vins de Bordeaux est faite à l’export.
Intéressons nous maintenant au marché national. Contrebalancera t’il un contexte international incertain ? Loin s’en faut et les inquiétudes sont encore plus grandes. Le modèle de la grande distribution française est un peu malmené ( le taux de pénétration pour les produits de grande distribution en repli de 0,2% par an) face à la révolution digitale. Dans un contexte de modification des cellules familiales, de l’évolution des tendances de consommation, la grande distribution souffre et doit évoluer. Quand on sait que 75% du vin en France sont distribués par ce canal, on peut s’inquiéter légitimement de l’impact de cette révolution digitale sur les ventes de vins. Bordeaux est encore plus concerné car il occupe une part de marché très importante. Mais l’évolution des goût des consommateurs fait que les bordeaux et plus particulièrement les rouges souffrent d’un désamour. Les consommateurs recherchent des vins plus frais, plus digestes, moins tanniques, plus sur le fruit et il est vrai que les vins de Bordeaux ne répondent pas à cette tendance. En plus, le « Bordeaux bashing » lié au prix stratosphériques des grands crus a joué un rôle négatif sur l’ensemble de la production girondine. Même si ce dénigrement est moins présent, il reste quelques réminiscences. La tendance du bio a accentué le phénomène de désamour vis à vis de Bordeaux. Les reportages s’attachant à montrer quelques excès dans les pratiques d’utilisation de pesticides ( même s’il ne faut pas généraliser) ont terni l’image de Bordeaux, ce qui a forcément un impact négatif sur l’acte d’achat du consommateur lambda. Tous ces éléments cités ci-dessus amènent à une situation économique très délicate. Le dernier rapport fait par le président du conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux, faisant état d’une vignoble en tension, les rapports des courtiers viticoles alarmés par l’absence de demande des acheteurs ( certains sont établis depuis plus de 30 ans et n’ont jamais connu pareille situation) , et les trésoreries aux abois des propriétés viticoles, montrent bien que la situation bordelaise est grave. Les acteurs financiers bancaires en ont tellement pris conscience que certaines banques ont décidé de ne plus assurer les services bancaire auprès d’opérateurs viticoles et ferment leurs comptes. Tout le monde est donc dans l’expectative, sous tension mais il est évident que bon nombre de propriétés viticoles ne pourront pas tenir longtemps financièrement et que tout un système viti-vinicole est menacé. La récolte 2019 s’annonce relativement bonne et on ne sait déjà pas comment on « logera » cette nouvelle récolte dans les chais, par faute de place. Dans cette situation, les grands crus ne sont évidement pas concernés, étant, depuis quelques années, installés sur le marché du luxe en progression.
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