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Quel avenir pour le vignoble français après l’épisode COVID 19?

Quel avenir pour le vignoble français après l’épisode Covid 19?

 Je ne vais pas étendre mes propos concernant l’impact à court terme du covid 19 dans le monde viticole mais plutôt essayer d’avoir une démarche prospective sur les impacts et adaptations nécessaires du monde viticole français à moyen terme. Le COVID 19 n’a pas joué le rôle de déclencheur mais plutôt d’accélérateur de tendances liées au monde viticole français.

Fragilisation de la filière viticole : Bon nombre d’entreprises viticoles sortent exsangues de l’épisode d’épidémie tant au niveau des trésoreries que de leurs rentabilités financières. Les faillites sont donc à prévoir à court et moyen terme. Les menaces climatiques qui pèsent avec des épisodes de plus en plus fréquents de gels, grêles, sècheresses ou pluviométries ponctuelles importantes, n’arrangent pas les choses. Le changement climatique est bien présent et les viticulteurs ne peuvent que trop le constater au quotidien. Face à ces faillites, ces mises à la retraite forcée de certains, ces incertitudes climatiques, nous allons assister à une concentration plus forte des acteurs viticoles à travers le rachat de propriétés et/ou de parcelles par des entreprises puissantes financièrement. Malheureusement, bon nombre de parcelles viticoles n’intéresseront personne et une vague d’arrachages est à prévoir à court terme. Ne voit on pas dans le bordelais certaines propriétés qui ne sont plus exploitées, laissées à l’abandon par leurs propriétaires, à contre cœur. Notre vignoble français ne sera pas le seul à connaitre une telle situation, d’autres voisins européens connaîtront les mêmes difficultés. La campagne de distillation ( vin transformé en alcool) demandée par les organismes viticoles de différentes régions productrices fait apparaître une situation de surproduction conjoncturelle mais qui est aussi structurelle. Un chiffre est évocateur en ce sens: Le vignoble bordelais a demandé à ce que 15% de sa production annuelle soit distillés. La crise est donc grave. Autre facteur aggravant, la consommation de vins a diminué de 0,2% dans le monde et plus encore en France. Les perspectives ne consommation ne sont pas favorables.

 Le « bio », affirmation d’une tendance lourde : Dans ce paysage un peu morose, il existe des éléments positifs tels que l’affirmation commerciale du bio dans la consommation de vins. Malgré une baisse de consommation, les vins Bio progressent à un rythme soutenu, plus de 10%. Les consommateurs privilégient des vins qui respectent l’environnement et leur santé ( les vins « zéro pesticides » sont plébiscités). La pression du changement climatique est forte et commence à « imbiber » le comportement des consommateurs. Face à cette vague durable, les entreprises viticoles n’ont d’autres choix que de s’adapter sous peine de devoir fermer leurs portes. De plus le contexte sociétal ( agri-bashing). et politique devient plus prégnant quand au fait de privilégier les produits biologiques ( interdiction à terme des pesticides, contraintes de traitements par rapport au voisins et écoles....). Les grands crus doivent absolument s’engager dans cette démarche bio mais de façon massive. Tout le monde a entendu parler du château Pontet Canet à Pauillac, du célèbre château Latour, engagés dans le bio mais combien d’autres grands crus travaillent uniquement en agriculture conventionnelle ? Par leurs statuts, Ils jouent une rôle de leader médiatique et ils doivent être à la pointe d’une production viticole responsable, d’autant plus que leurs moyens financiers sont importants. Comment justifier au consommateur un prix de la bouteille à plus de 50 euros sans engagement éco-responsable et un prix de revient entre 10 et 15 euros? Ils doivent trouver une opportunité dans le bio, à travers le respect de leur terroir, de leurs salariés et du consommateur. Cela leur apportera un gain substantiel d’image. Ils en ont le devoir. On ne peut pas revendiquer la haute qualité et ne pas tenir compte des exigences du respect de l’environnement.

Les marques viticoles sortent renforcées : Dans un contexte anxiogène et malheureusement durable tel que nous le connaissons, si une marque est garante de sécurité dans son processus d’élaboration du vin, de respect d’une démarche environnementale, de qualité reconnue, elle rassure le consommateur dans son acte d’achat. En temps de crise, on privilégie plus ce que l’on connaît à la découverte. La politique entreprise par la maison Gerard Bertrand ( Languedoc) , très impliquée dans la démarche environnementale avec un vif succès est très interessante à suivre.

 Tous sur le WEB : Les acteurs viticoles petits et grands vont devoir se connecter au monde digital et rapidement. La jeune génération, qui reprend les propriétés, est déjà « biberonnée » au digital avec Instagram et FaceBook. Communiquer sur ces médias devient une obligation pour faire exister sa petite entreprise et les apéros ZOOM proposés par certains viticulteurs ont montré un certain dynamisme en la matière. Mais au delà de la communication, il faut un site marchand soit en le créant soit en passant par une plateforme. Durant la période de confinement, faute de pouvoir aller chez les cavistes, bon nombre de consommateurs de vins se sont essayés à l’achat on-line , souvent pour la première fois , en faisant abstraction de leurs aprioris négatifs. Ils ont constaté que cela fonctionnait bien avec des vins de qualité. Il est évident que ces expériences réussies sont de bon augure pour des achats futurs sur la toile. Les acteurs vin du WEB ont vu, lors de cette occasion malheureuse, une opportunité inespérée de voir leur « business model » se développer à vitesse exponentielle. Les « Pures Players » du vin comme Millésima, Ventes privées, CD discount et d’autres ont de beaux jours devant eux. Il sera intéressant de regarder la part des ventes de vins sur Internet en France à fin 2021. Les 10 % actuels ne seront sans doute qu’un vieux souvenir. Les grands crus vont peut-être entrer dans la danse digitale en proposant directement leurs vins à l’image de la maison Hermes et son site marchand. Le digital n’est plus signe de média péjoratif pour les marques de luxe mais il est un passage obligé.

 Le « business model » vis à vis des cafés, hotels et restaurants à revoir:
Les plus impactés par le covid sont peut être ces acteurs de « l’hospitality business » qui ont dû fermer leurs portes pendant plus de deux mois. Aucune vente de vins n’a donc pu se faire et après un petit mois de réouverture , on peut constater que la reprise est lente. Le télétravail, la peur de fréquenter un établissement ouvert au public, la baisse des voyages ( voir pas de voyages du tout) ont constitué des freins importants pour un retour à une situation économique normale. Bon nombre d’établissements gastronomiques ne verront pas cette année les touristes étrangers, très amateurs de ces tables portant la cuisine française en étendard. Pour certains, c’est 50% des affaires qui s’évaporent et une rentabilité qui est mise à mal, renforcée par les consignes strictes de distanciation sociale. Les perspectives de retour de ces « chers » étrangers, souvent amateurs de nos plus beaux flacons, sont très éloignées, à horizon de 2022 ou 2023 dans le meilleur des cas. Alors que faire entre-temps ? Les acteurs viticoles impliqués dans ce secteur de distribution doivent revoir leur commercialisation en recherchant de nouveaux marchés pour palier la faiblesse ponctuelle de ce secteur? Le Responsable de ISWR, cabinet d’études de référence et lié à VINEXPO, prévoit un déclin de ce secteur dans les années à venir. Pour ceux qui sont axés sur ce secteur, il faut revoir la copie et saisir d’autres opportunités de distribution.

 L’export, des nuages sombres à l’horizon : Un constat tout d’abord. Depuis quelques années le commerce international connaît une baisse inexorable. Nous ne sommes plus dans l’ivresse de la mondialisation que nous avons vécue par le passé. Certains pays montrent quelques velléités en taxant davantage les importations à l’image de Trump aux USA, en privilégiant des accords commerciaux avec certains pays ( plus de droit de douane) comme l’a fait la Chine avec l’Australie et le Chili, et qui ont de fait pénalisé les vins français en surenchérissant mécaniquement leurs prix. La tendance n’est plus à l’ouverture des frontières mais à une fermeture. Un autre aspect est la prise en compte du changement climatique et la volonté de dé-carbonner l’économie. Pourquoi acheter un produit qui a parcouru des milliers de kilomètres alors que l’on peut se le procurer localement en favorisant ainsi une moindre consommation d’énergie ? Le local est « tendance » et ceci est vrai dans plusieurs pays occidentaux. L’impact commercial sur nos exportations de vins français peut être fort si cette tendance prenait une dimension croissante. Il est urgent, voir vital, de re-dynamiser les ventes sur le territoire hexagonal.

 L’épisode COVID laissera des traces, sans doute durables pour le monde du vin français, en fragilisant le filière viticole mais en ouvrant de nouvelles perspectives de commercialisation digitales dans un contexte géopolitique de plus en plus incertain et mouvant.

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